Number26 lève des fonds et explique (un peu) son modèle

30 juin 2016 | Décryptages

Number26 a annoncé le 21 juin une nouvelle levée de fonds de 40 millions de dollars pour poursuivre son développement.

Et mis en ligne le même jour sur son blog des explications sur son business model…

Une occasion de comprendre un peu mieux cette néo-banque ?

Une levée de fonds pour continuer à révolutionner la banque

C’est le fonds Horizon Ventures, propriété du milliardaire hongkongais Li Ka-shing qui a conduit ce nouveau tour de table de 40 millions de dollars. Battery Ventures, Robert Gentz, David Schneider et Rubin Ritter y ont également participé aux côtés des investisseurs initiaux comme Valar Ventures (fonds de Peter Thiel, co fondateur de PayPal), Earlybird Ventures et Redalpine Ventures.

Forte donc de 53 millions de dollars, Number26 peut poursuivre son ambition : révolutionner la banque… ce qu’elle entend faire par différents moyens : pas d’agence, une expansion géographique rapide pour devenir la première banque mobile pan européenne, un socle technologique unique permettant de profiter d’économies d’échelles, une offre et des services assurant un développement « viral » et la mise en œuvre d’une « politique d’usage raisonnable » (Fair Use Policy) pour limiter les coûts (nous reviendrons plus loin sur ce dernier point).

Son arrivée au Royaume Uni sera sans doute freinée par le Brexit. Et quant à une expansion en Asie assistée par son nouvel actionnaire de Hong Kong, c’est sans doute prématuré. 

Une vision du compte d’exploitation de Number26

Au même moment, Number26 mettait en ligne sur son blog une présentation tout à fait intéressante de son compte d’exploitation.

Très graphique et facilement compréhensible par tous, cette présentation est aussi l’occasion de communiquer sur les projets de la startup, ses valeurs et ses facteurs de différenciation.

Le tableau ci-dessous en résume les éléments financiers.

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Son examen nous amène à formuler plusieurs constats.

Tout d’abord, Number26 réaffirme sa volonté de se développer sur d’autres activités financières et en précise une première liste, sans doute non exhaustive : investissements (sans préciser s’il s’agirait de trading ou de crowdlending), épargne, crédits, assurance.

Ensuite, Number26 se veut un agrégateur de service fintech plutôt qu’un producteur de ces mêmes services : la position constante de cette néo banque se traduit financièrement par l’anticipation d’un partage des revenus liés aux activités des meilleures offres qui seraient ainsi agrégées (« Revenue share with ‘’best of’’ partners in other major financial categories »).

Enfin, le coût des traitements back office n’apparaît pas clairement, qu’il s’agisse du traitement des opérations – fabriquer et envoyer les cartes aux nouveaux clients, traiter les virements et les prélèvements, etc. – ou des coûts interbancaires – comme ceux liés à la compensation, par exemple.

Le traitement des opérations est sans doute fortement automatisé et optimisé grâce à WireCard Bank. Cette dernière est la véritable usine de traitement à laquelle Number26 accède via des API. C’est également WireCard Bank qui apporte la licence bancaire que Number26 n’a pas sollicité, contrairement à d’autres néo banques.

Habituellement, il s’agit d’un coût important, probablement un des premiers postes au démarrage, car il y a un niveau de coût incompressible qui s’amortit progressivement avec la croissance de la base client.

Nous avons interrogé Number26 sur ce point, sans avoir de réponse pour l’instant. Dans l’attente d’un retour – dont nous ne manquerions pas de vous tenir informé – nous supposons donc que ce coût est « noyé » dans le poste « Service client » ?

Une question incidente, Number26 est-elle suffisamment rentable ?

C’est sans doute une question que l’on pourrait adresser à beaucoup de fintech. Si l’on prend l’exemple du partenaire de Number26 pour les paiements internationaux, TransferWise, les volumes échangés et le produit net bancaire ont fortement augmenté en 2015… comme les pertes, passées de 2 à 11 millions de livres !

Et en la matière, Number26 a été particulièrement étonnante. Nous nous étions émus de sa campagne de fermeture de comptes (voir Mais que se passe-t-il chez Number26 ?) et sa réponse n’avait pas été complètement satisfaisante (voir Number26 s’explique sur les fermetures de comptes). Pour résumer, ses fermetures résulteraient d’un usage abusif des cartes bancaires associées aux comptes en question, usage ayant rendu les coûts de tenue de ces comptes non conforme à la Fair Use Policy de la banque.

Ce concept de Fair Use Policy est plus habituel dans les télécommunications que dans la banque. C’est au titre de cette Fair Use Policy que l’on vous limite parfois à un nombre déterminé de correspondants différents dans un mois, pour éviter que vous ne fassiez de la revente de minutes de communication. Adapter ce concept à la banque est une première, mais cela peut se comprendre dans l’optique d’un abaissement des coûts.

Il paraîtra probablement étrange de se réfugier derrière une clause qui n’est pas encore écrite. Nous avons en effet interrogé Number26 sur ce point, et il apparaît que cette politique est en cours d’élaboration de manière participative avec les clients eux-mêmes !

Mais à la décharge de Number26, les clients qui ont vu leurs comptes fermés faisaient « en moyenne 15 retraits et jusqu’à 30 retraits par mois ». Ce qui est effectivement très supérieur à la moyenne de 3 à 4 retraits par mois constatée dans les pays où ses services sont disponibles (Source : Banque Centrale Européenne, 2014).

Il n’en demeure pas moins qu’offrir un tel service gratuitement, même après mise en œuvre de cette Fair Use Policy, reste un pari osé.

Ainsi, au Royaume Uni, Monese a tout d’abord expérimenté un modèle gratuit jusqu’à un certain niveau d’utilisation et payant au-delà. Constatant que ses clients restaient volontairement sous le seuil, la startup s’est résolue à mettre en place un abonnement mensuel de 4,95 livres après un premier mois gratuit. Sans désaffection pour l’instant semble-t-il.

En France, le Compte Nickel est facturé 20 euros par an depuis l’origine… ce qui ne l’a pas empêché de conquérir plus de 300.000 clients !